Sa souffrance me semblait maintenant si proche, il me semblait maintenant si proche. Jamais je n'avais ressenti a quel point il était humain, ses traits trahissaient chacune de ses blessures et la vie qui l'habitait fuyait, silencieusement et lentement, mais sans aucune rémission possible. Et pourtant ce visage ne signifiait plus rien dorénavant, je ne voyais désormais plus qu'un homme seul, agonisant et triste, si triste. La courbure de son cou laissait entrevoir des veines à peine esquissées, comme autant de marbrures dans une roche fragile et sèche. Ses bras largement ouverts tels deux grandes ailes rachitiques faisaient l'effet d'un bien pitoyable pantin, ses jambes frêles et minces, semblables à de chimériques liens entre le ciel et la terre paraissaient ne jamais pouvoir porter un seul homme. Et pourtant, ceint de la couronne d'épine comme d'autres supportent le poids de terribles erreurs il avait guidé toute ma vie, et celles de tant d'autres.....
Mes doigts couraient le long du câble téléphonique autour de mon cou, je souriais tristement en repensant à toutes mes mises en garde et tous mes sermons. Ma vie avait définitivement perdu de son sens, il existait des choses, au delà des espaces et entre les espaces dont la simple évocation suffit à me faire défaillir. Ce soir mettra un terme à cette folie, et tout ce qui aurait du rester dans l'ombre retournera dans le néant primordial, d'ou , je l'espère, rien ni personne ne viendra l'en extraire à nouveau.......
Le père Legrand venait de nous quitter et ainsi j'obtenais un premier poste dans une petite bourgade «St Irénée-sur-Rhône ». Une partie de moi était soulagée de ne pas avoir de paroisse citadine, mais j'en ressentais une certaine culpabilité, en effet a quoi bon prêcher des convertis, je me faisais une certaine idée de mon rôle dans la sainte église catholique.
Les diatribes avec le père Nostrand n'en finissaient plus, je percevais assez mal les motivations des catholiques à ne pas vouloir faire connaître la félicité au plus grand nombre, comme si ce bonheur ne devait être reservé qu'aux seuls élus. je considérais que la béatitude devait être universelle, c'est un tel sentiment de plénitude et d'accomplissement que les plus grands bonheurs profanes ne sauraient être que le bruissement des feuilles dans une tempête.. Malgré tout je partais le cœur léger, servir paisiblement me permettrait d'étudier plus amplement la théologie, et pour ça j'avais besoin de calme.
C'est dans ces dispositions que j'embarquais dans un TER a la gare de Lyon-Perrache pour un périple de 8h. Le voyage fut assez chaotique et dura près de deux heures supplémentaires. Alors que je sortais de la petite Gare provinciale et surannée de la bourgade de la Creuse, je fus envahi d'une étrange sensation que je ne saurais décrire, une sorte de déférence teinte de soulagement mais aussi d'appréhension. La gare donnait sur un espace vert ou régnait un ordre que l'on ose pas déranger. En effet le temps ne semblait pas être passé ici, les racines tournoyaient et ondulaient dans une danse hypnotique avec une pelouse clairsemée et disparate. Les arbres s'épanouissaient sauvagement et parraissaient dotés d'une volonté propre, partout la main mise de l'homme était plus diffuse que dans nul autre endroit que j'eusse visité.
La rue principale était constellée de nids de poules, et à divers endroits des pousses triomphaient d'un bitume terne et inégalement réparti.Le ciel lui même, du haut de sa quiétude, sculptait des nuages baroques ou blancs et noirs se juxtaposaient, s'épousaient et se repoussaient à la fois. Ils s'entrechoquaient violemment et ce silence parraissait soudain si surnaturel.Jamais je n'avais vécu ce chaos de cette manière, peut-être n'avais je jamais pris le temps de me laisser impregner par ces images....
« AH vous ètes le père Vérille je présume ! »
La voix forte et amicale me surprit. lorsque je me retournais, je vis un homme d'une trentaine d'années, dans un costume élégant mais avec une touche de décontraction. Avenant et souriant, ses cheuveux courts et noirs donnaient à son visage rond un air bonhomme tranchant avec son maintient et son port altier.
"Bertand Verille, et vous ètes ? "
"Excusez mon impolitesse, Nicolas Granger, conseiller municipal et accéssoirement employé des pompes funèbres"
Un sourire joviale déchira son visage alors qu'il sortit une cigarette avant de m'inviter à le suivre. L'étrange sensation que j'avais eu en arrivant ne me quittait pas, bien au contraire la traversée de ce village fut assez déconcertante. Je remarquais que de nombreux animaux érraient de ci de la, et ne semblaient nullement éffrayés par notre passage. Lapins et lièvres parraissaient chez eux au milieu de ces rues chaotiques.nous marchames ce qui semblait etre une dizaine de minutes lorsque sa voix me surprit de nouveau
"Je sais ce que vous pensez, et non je ne sens pas le formol" dit il d'un ton proverbial.
"Ha nous y voila".
nous nous étions arreté devant une deumeure sobre et simple, la façade avait besoin de travaux mais elle avait un charme authentique, travailler ici sera vraiment agréable. Il ne reste plus qu'a attendre les livres que j'avais commandé au diocèse.
Les premiers jours défilèrent dans une grande quiétude, je reçus mes ouvrages rapidement et pu ainsi me livrer à l'étude des oeuvres Apocryphes. Lors de ma première visite de l'église je découvris un batiment qui si il datait très probalement de la première moitié du 20ème siècle tachait dans son architecture un improbable mariage entre la lourdeur romane et la légéreté gothique, il en resultait un grotesque ensemble touchant par sa sincérité et son innocence. Je n'avais pas voulu aller voir l'église avant mon premier office, je voulais de l'immédiateté dans ce que j'allais dire et quoi de mieux qu'un lieu inconnu parmis mes nouvelles ouailles pour ça.
le jour de ma première messe était enfin arrivé, j'avais tout préparé dans les moindres détails, j'eus quelque peu honte de moi lorsque je m'évoquais mes désirs d'improvisation et de naturel, encore une fois j'avais reculé, encore une fois je n'avais pu échapper à ce conformisme que je conspuais pourtant de toute mon âme. Je laissais ces questions génantes et pris la direction du lieu de culte, et à ma grande surprise une petite foule m'attendait deja. A mon arrivée le bourdonnement indistinct des paroles cessa rapidement et brutalement, au moins ces gens n'étaient pas si habitué que ça à la médisance. Et ça me rassurait quelque peu.
Quand j'entrai dans l'eglise je perçu une impression d'éternité, qui dans ce lieu pourtant sacré ne parraissait pas naturel. La nef était tapissée d'oeuvres religieuses au premier abord classiques , mais dont un second examen décelait les incongruités ; les spectateurs de ce chemin de croix avaient des visages aux traits bien trop irregulier et grossiers et ce paradis semblait plus proche de l'enfer dans l'ambiance qui s'en degageait, trop de créatures blasphématoires a mes yeux l'habitaient. Et c'est avec une angoisse sourde que je commençais cette messe, mais après quelques temps comme investi de la divine béatitude je réussi a retrouver mon calme après tout il ne s'agissait que de quelques tableaux, et qui plus est d'un maitre, un certain "Jerome Bosch". Je ne sais pas comment un si petit village a pu payer de telles oeuvres, voila une des nombreuses choses dont je devais discuter avec le maire, alors que je sortais négligemment de l'église.
"Mon père" m'apostropha une voix feminine douce. Je vis une jeune femme a l'orée de l'église, sa cheuvelure noire donnait l'aspect d'une crinière ondoyant au vent alors que son visage m'apparaissait sombre en contre jour, mais dont il émanait une certaine jovialité.
"Excusez moi de vous importuner, mais je voudrais organiser mon mariage dans cette église" dit elle d'une voix assurée, elle s'avança et je pus voir ses traits réguliers mais charpentés dont les yeux fonçés semblaient voir a travers moi.
"bonjour...heu...oui a qui ai je l'honneur" ?